Le Clan du Centre du Monde

Ils marchent là où les autres n'osent pas regarder...

« Shouka réussit l’Épreuve » ou  « l’innocence perdue »

(Chronique 2002-11-19 - témoignage de Lord Menach)

La fête battait son plein. Le Clan savourait bruyamment sa victoire sur Cradoc. On avait déjà raconté cet exploit des dizaines de fois pendant la soirée, et à chaque fois, curieusement, le combat avait gagné en caractère épique. Lord Menach voulut changer de sujet, mais il n´était pas question de jouer les rabat-joie. Il prit la parole :

« Mes amis, mes compagnons ! Vous savez que la petite Shouka, notre plus jeune membre a passé avec brio l´Épreuve. La chasse au Cradoc nous a occupé juste après cela. Il est donc temps d´organiser la Cérémonie pour accueillir Shouka. Ce moment de liesse est plutôt idéal pour cela, n´est-ce pas ? »

Quelques grommellements approuvèrent (même Garush ne parle pas la bouche pleine !)

Lord Menach reprit :

« Membres du Conseil des Sages,  et valeureux membres du Clan,

Je vous présente Shouka.

Shouka a passé avec succès l'Epreuve. La Déesse a reconnu en elle un de ses enfants perdus. Je vous prie, mes amis, de bien vouloir l'accepter en notre Clan.

(Les Sages présents acquiescent, encouragent, sourient, souhaitent la bienvenue à Shouka)

Genou à terre Shouka. Te voilà, maintenant membre à part entière du Clan du Centre du Monde. Tous les secrets du Clan te seront révélés. Toutes les possessions du Clan sont tiennes ; toutes tes possessions sont celles du Clan. Le Clan te promet protection ; tu promets de protéger le Clan.

Relève-toi Shouka et salue tes amis, tes compagnons.

(Shouka reçoit une chaleureuse accolade de la part de tous.)

Grumf le Fous te donnera l´accès à nos secrets.

Que la fête continue !!! »

 

Pus tard, bien plus tard, Garush, jugeant que Lord avait l´air ailleurs, décide d’envoyer son coude dans les côtes du Kastar :

« - Ben alors vieux, tu fais la gueule ?

-         Pardon ? Quoi ? bafouilla Lord Menach, tiré de sa rêverie.

-         Ben ouais, tu fais quoi là tout seul, dans ton coin ? T´as même pas touché à ton sixième cuissots de succube ! … Dis, tu me le donnes ?

-         Oui, si tu veux. Non, je pensais à Shouka. Elle a du cran cette petiote ! Mais je ne comprends pas que son père la laisse seule comme ça, errer dans la Montagne… C´est bizarre tout de même, je pensais que Monkar serait venu pour la Cérémonie. J´ai attendu longtemps pour cela, en vain. J´ai rien dit parce que Shouka clame haut et fort qu´elle a pas besoin de son père, qu´elle va lui montrer qui elle est… enfin le discours classique des trollinets.

-         Beh, keche t´en chais toi ? coupa Garush (qui finalement, si, pouvait parler la bouche pleine !)

-         J´ai une fille, moi aussi. Et Shouka me la rappelle. Bien qu´elles ne se ressemblent pas vraiment. Le caractère indomptable peut-être…

-         Cha alors ! t´as une fille toi ? T´en as jamais parlé !

-         Et Monkar, il en avait parlé, lui ?

-         Non.. Ché vrai. T´as raison.

-         Tu aurais dû la voir, face à l´amibe géante…

-         Ta fille ?

-         Non, Shouka !

-         Ah ! Va-j-y, raconte ! Cha te dérange pas si je prends ton bras de goule ?

-         Non, sers-toi, mon ami.

-         En fait, lorsque Shouka est venue me voir, ce n´était pas uniquement  pour passer l´Épreuve. Non. Elle venait tout simplement pour chasser Cradoc ! 

Garush manque de s´étouffer et tousse en marmonnant : « Sacré culot la morveuse ! Bien la fille de son père, celle-là !»

-         Avant que je ne la voie, j´entendis sa petite voix me dire : « Salut Lord Menach ! Qui c'est Cradoc ? Je peux venir ? Il est où ? Il est gros ? C´est que j'suis devenue très dangereuse, moi : j'ai tué 4 monstres : 2 gobs et 2 orques ; dont 2 gobs et 1 orque toute seule ou presque et un orque avec d'autres trolls mais j'ai pas partagé le repas. Au fait, pour l'Épreuve, dis moi quand, où et je suis ta trollette. Ha ha, va être surpris le sanglier ! »

Je la trouvai insouciante, charmante, attendrissante même. Elle semblait n´avoir peur de rien. J´avais repéré pas loin la tanière d´une amibe géante. Je me dis que cela serait une bonne Épreuve. Une grosse amibe face à la petite Shouka. Shouka ferait peut-être moins la fière…

Donc, d´un ton poli, mais autoritaire, je lui lançai : « Ah, petite Shouka, je suis content de te voir. Tu es courageuse de t'être aventurée jusqu'ici. Suis-moi, je vois là une amibe géante qui fera l'affaire pour ton Épreuve. Je vais aller me placer à côté d'elle, et toi va au contact. Allez, courage ! »

Ce qu´elle fit aussitôt sans réfléchir ! Elle se concentra. Une boule de feu se forma au creux de sa main et alla frapper de plein fouet le gros mollusque. Ce dernier riposta par un mouvement lent. Shouka, sans la moindre difficulté, esquiva l´attaque tout en se retournant vers moi pour me demander : « Hé, Lord Menach ! Je suis face à l'amibe, camouflée. Je l'ai tapée et elle a essayé de me taper. Faut la tuer ? » J´avoue avoir eu du mal à retenir un sourire face à une telle question : Shouka jouait, elle ne semblait pas se rendre compte que l´amibe voulait la « croquer » ! Je lui répondis : « :Bien joué, petite Shouka, excellent ! Continue, tu vas peut-être l´avoir toute seule comme une grande ! Tu ne devras fuir que si tu le juges vital. » Sur ce, sans discuter plus, et presque nonchalamment, elle créa un nouveau projectile de feu qui partit s´écraser sur le museau de l´amibe. Cette dernière se cabra, se jeta sur Shouka, qui une fois encore, évita avec une facilité déconcertante la lourde masse visqueuse. Tout en continuant à danser, la trollette enchaîna deux projectiles qui allèrent exploser sur l´amibe. C´est alors que le monstre se déchaîna vraiment. La chance quasi insolente de Shouka ne l´aida plus. Elle subit pleinement deux attaques. Le sourire de la trollette disparut. Des larmes perlèrent dans ses yeux et vinrent se mêler au sang qui sortait de sa bouche. Elle avait peur ; elle avait mal. D´une voix que j´aurais aimé plus autoritaire et moins « paternelle », j´ordonnai à Shouka de venir vers moi. Elle rampa jusqu´à moi, en ravalant ses pleurs. L´amibe la suivit. Mon incantation fut plus haineuse que jamais. Je lançai mon sortilège. L´amibe recula. Elle revint bien sûr à la charge. Mais cet intermède permettait à Shouka de se remettre physiquement et psychiquement. Et c´est en véritable petit soldat, les mâchoires serrées, qu´elle se tint à mes côtés pour achever, de concert, le monstre géant.

Tu vois Garush, cette histoire prouve une fois encore le bien fondé de l’Épreuve : Shouka a ainsi compris que les combats dans la Montagne ne sont pas un simple jeu. D’ailleurs, cela lui fut bien utile contre Cradoc.

Mais, quand même, ce n’est qu’une trollette ! Elle devrait être encore avec ses frères et sœurs, ses amis… et jouer à la poupée ou bien  apprendre à monter à cheval… »

 

Garush interloqué, le coupa : « Quoi ? Mais kech tu racontes là ? Je comprends rien à che que tu dis ! « pou-pé » ? ?  T’as encore trop bu toi ! ! Shouka, c’est un troll ! Et un troll comme toi et moi, chasse pour se nourrir, qu’il soit grand ou petit ! »

Lord Menach soupira : « Ah oui, c’est vrai, je suis un troll… » et reprit à haute voix en souriant au puissant Durakuir, son ami « Merci Garush, t’as toujours les bons mots au bon moment !

Pas de quoi (Slurp !) Les amis, c’est fait pour ça !  conclut-il en mordant à pleine dents une cervelle de gob bien fraîche !